La dernière pour la route
L’heure est arrivée. Le grand départ n’est qu’à quelques heures. Cela fait tout chose de l’avoir pensé depuis tant de mois de le voir se pointer.
Et oui ! ce voyage, je les rêvais des jours et des nuits. J’ai visionné des films, j’ai lu des livres, des cartes. J’ai fouillé dans le net les réponses aux questions que je me posais. J’ai créé un blog, j’y ai écrit pour moi, pour les autres. J’ai acheté un vélo et quel vélo. J’ai dû réapprendre à rouler et maintenant, je vais en découdre.
Cette dernière semaine, avant le grand jour, fut difficile pour moi car la pluie n’a pas cessé de tomber. Un mauvais souvenir met revenu, d’il y a 13 ans. Je suis parti en Pologne à vélo en aout 2002. La pluie m’a accompagné pendant tout le périple.
Ce fut un voyage formidable. Il m’a beaucoup appris sur moi, sur ce que peut être l’aventure avec un grand A, mais c’était dur. Il fallait encaisser l’humidité, le froid, la solitude.
Ce sont mes amis avec les sms envoyés qui m’ont soutenu chaque soir. Je lisais leurs messages. Ce sont des instants indéfinissables par des mots, il faut l’avoir vécu.
Alors pourquoi repartir et multiplier par 4 la distance par 17 les semaines du périple ?
En voyage, l’être est confronté à d’imprévisibles nouveautés. Le voyageur connaît un renouvellement permanent de sa situation. Il ne sait pas ce que réservera son chemin, le pli d’un virage, la prochaine rencontre. Son terrain est toujours mouvant. Il est très loin de la vie sédentaire, réglée dans ses habitudes. Le corps du voyageur doit se tenir toujours en alerte. Il doit être capable de réagir d’une situation à une autre, de l’imprévisible. Le voyageur n’a pas peur de l’inconnu. Il y va avec confiance.
La pratique de la route invite à vivre l’instant pour l’instant. C’est comme le danseur, il ne pense à rien d’autre qu’au pas qu’il est entrain de faire. le voyageur qui découvre de nouveaux horizons, l’incite à les regarder mieux. Pour occuper les heures sur un vélo, rien ne vaut l’éveil total de tous les sens, son attention sur les choses, sur les êtres. Il y a un émerveillement perpétuel de l’œil.
La lenteur du vélo face à l’automobile fait parfois une étrange expérience intérieure. A la faveur d’une longue étape dans le silence (ce que ne peut supporter l’Albatros mon vélo) on sent naitre un sentiment d’appartenance à un cosmos méconnu qui nous entoure. Cette prise de conscience est fortement énergisante pour l’esprit.
L’idée première du vélo, c’est l’échange et la rencontre. Je pense que l’on ne peut rencontrer les gens que seul. D’autre part, on peut laisser entrainer ses pensées, sans être perturbé par autre chose ; mais aussi lors des rencontres parler devient une nécessité.
L’errance en tous les cas est une liberté immense et une désobéissance aux habitudes. Aller et venir à sa guise, se poser un temps si on le désire, puis repartir.
De même, toute personne qui réalise un effort sportif, une performance sait qu’au bout de l’effort, il a accès à un état de meilleure réception et perception de son environnement. Soudain des pensées jaillissent qui ne seraient pas venues dans une autre situation.
J’ai eu depuis quelques années envie de vivre de grandes parenthèses d’aventures. Je suis de plus en plus partisan de la lenteur du déplacement. Mais ma nature me pousse à vivre intensément, lire, apprendre, voir, rencontrer, dessiner, écrire, méditer. Vivre mille expériences nouvelles.
Ce texte est l’exploration de ce qui fonde l’état de mon voyage et de mon départ, au plus intime.
Un auteur américain Jim Harrison que j’affectionne et qui vient de décéder il y a quelques semaines, a écrit qu’« on accède le plus sûrement à une perspective absolue du monde lorsqu’on est assis dans sa baignoire » curieux paradoxe pour moi.
A découvrir aussi
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 144 autres membres