on the road again

on the road again

les livres du périple


Bribes de phrases dans un livre d’un optimisme torride.

UN CERCLE DE LECTEURS AUTOUR D’UNE POELEE DE CHATAIGNES

 


Jean Pierre Otte Roman Julliard.

 

 

 

Philosopher, c’est dans une volonté d’allégresse, apprendre à vivre au mieux la vie qui nous est échue en partage quand apprendre à mourir n’est pas nécessaire, puisqu’on y réussit fort bien la première fois.

 

Présence au monde et plaisir d’exister ;

 

C’est toujours l’autre par son aptitude d’accueil, sa capacité d’écoute, qui nous rend capable de ce que nous sommes, et parfois je désire être cet autre pour les autres. Sans pourtant rien calculer ni machiner. Dès lors qu’on a pris cette option, l’inspiration nous vient naturellement, sans qu’il soit besoin d’y réfléchir.

 

Le bonheur est dans gratuité et les plaisirs sont toujours onéreux. Le bonheur est dans les péripéties minuscules de la vie, les évènements de la nature autour de nous, les simples sensations, le spectacle du monde proche et lointain, l’odeur de l’ozone répandue après l’orage, les changements de lumière, le toucher velouté d’une pêche ou la première gorgée de café le matin.

 

Les aigris et les joyeux.

Le malheur des aigris, c’est ce qui n’arrive qu’aux autres, et le bonheur des joyeux, de découvrir sans fin ce qu’ils ont et ce qu’ils sont, en définitive de jouir sans frein d’eux-mêmes.

 

Certains livres sont d’une telle fertilité que lorsqu’on y plonge la tête la première, ils remplissent le vide  délivrent, détruisent insensiblement toute impression d’isolement.

 

Le plaisir d’exister une disposition de l’esprit. Pour certains, on restait tributaire, de tout, de ce que l’on est, de ce qu’on n’est pas, de ce que l’on deviendra, de son passé, de son époque, de ses humeurs, de ses chances et de ses contrariétés. Pour d’autres, il convenait, en dépit de tout, d’opter dès le départ pour le signe plus. Ils en revenaient à l’éternelle histoire du verre vide à moitié vide ou à moitié plein : de le trouver à moitié plein, cela ne change rien au contenu du monde, mais il y a le plaisir par surcroît.

 

Le bonheur est d’abord une volonté de bonheur, c’est aussi, se donner un vrai pouvoir de dépassement, ouvrir un champ de possibilités nouvelles.

 

Un livre n’existe vraiment que dès qu’un lecteur l’a recréé en lui-même.

 

Pour que le vin fasse du bien aux femmes, il faut que ce soit les hommes qui le boivent ;

 

La vie ne se comprend que par un retour en arrière, mais on ne le vit qu’en allant de l’avant ;

 

C’est par le WEB, que le jeunes générations se détachant radicalement de nos façons périmé de vivre et de voir , se défalquent en se recréant dans la matrice virtuelle, et de cela dès avant la puberté. Par cette mutation, ils vont devenir des êtres différents de nous, ils sont déjà ces êtres différents de nous dans le double rapport à eux-mêmes et au monde.

 

A la réflexion, on s’ennuie par routine, parce que plus aucune nouveauté ne survient. On s’ennuie aussi parce qu’on manque de contact avec soi-même. On s’ennuie enfin parce que l’on éprouve un manque ; Mais éprouver un manque, autre chose d’indéfini à désirer, n’est ce pas déjà sortir un peu de l’ennui ?

Le dieu lui-même trouva qu’il n’était pas bon que l’homme reste seul et il conçut le dessein de lui créer une aide qui lui fût assortie.

 

Il n’y a pas plus d’aventure possible dans les lointains, mais il nous reste à explorer la proximité : sortons de chez nous et le monde proche nous demeure en majeure partie inconnu ; il y a mille expéditions à entreprendre dans le voisinage immédiat ;

 

Un livre est parfois comme un ami qui nous comprend de l’intérieur et avec lequel nous avons le sentiment de dialoguer.

 

Le devoir est dans le défi de ne pas vivre comme tout le monde sur des points de suspension.

 

Savoir  ce dont on ne veut plus mais sans pouvoir imaginer ce l’on voudrait pour en somme inventer sa vie, c’est la carence contemporaine. L’imaginaire fait défaut et le manque est immense.

 

Le hasard ne survient pas, il faut le bousculer, provoquer les évènements, et assurément ne pas demeurer plus longtemps dans les limbes ou en coulisse. L’acte le plus surréaliste, ce serait de se rendre dans la première agence de voyage venue et de demander le billet le moins cher pour aller le plus loin possible…

 

C’est en peignant, en écrivant, en composant qu’un artiste doit se sentir le plus en vie, parce qu’il y a alors en lui la condensation et l’ivresse, parce qu’il y a dans l’œuvre qui s’élabore l’alcoolisation de son propre vécu et du grand vécu évolutif du monde. L’écrivain qui importe vraiment, c’est celui qui parvient à transformer progressivement le miroir qui réfléchit en une fenêtre ouverte sur le temps présents.

 

Le vin est à la vigne ce que l’écriture  est à la vie et ce que la voix est au corps dans son contact sensible avec le monde.

 

Une fille, une fois déshabillée croit avoir tout dit. Alors que la femme, même dévêtue, reste vêtue d’elle-même et des signes de sa vie. Elle offre à la lecture ; il faut apprendre du bout des doigts à lire et à déchiffrer ce solfège. On peut la dévêtir d’innombrables fois, en étant assuré de la découvrir toujours.

 

Utopie signifie « sans aucun lieu ». Les utopistes sont les ouvreurs de mondes, les décapsuleurs de l’être, les voyants d’un système idéal dans l’inaccessible rêve.

 

« Si tu vois quelqu’un qui va tomber, pousse le » recommande un poète soufi, un précepte que nous devrions toujours avoir à l’esprit lorsque quelqu’un voudrait se servir de nous comme d’une bouée, une planche de salut,une béquille ou un garde fou. Ce que le poète soufi, dans sa sagesse d’une évidence imparable, veut assurément signifier, c’est qu’en empêchant l’autre de tomber, on le priverait d’une possibilité de renouveau, d’une chance au changement : c’est une chute, justement, qu’il pourra se recréer à frais nouveaux, enfin, si tout se passe au mieux.

 

C’était en ouvrant des livres que j’avais commencé à vivre et c’est en continuant de lire que j’élargissais mon petit monde, découvrais des mondes qui n’étaient pas les miens et que je pouvais partager.

 

Lire, c’est d’abord se délivrer, se libérer du connu, se dépêtrer de tout, s’échapper grandeur nature de l’existence étroite à laquelle la société vous destine…


23/11/2015
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Yves Simon

La compagnie des femmes. Ed : Stock 2011

 

Dernier roman d’Yves Simon.

 

«  A l’instant où il sortait de ma voiture, le vieil auto-stoppeur que j’avais embarqué à la sortie de Macon – Nord se retourna et dit :

Où allez-vous ?

Je ne sais pas.

Comment saurez –vous que vous êtes arrivé. »

 

Road-movie menant de paris à la Méditerranée, de rencontres éphémères en souvenirs de jeunesse, le nouveau roman d’Yves Simon est scandé par une histoire d’amour magnétique et singulière ;

 

Quelque Bribes de mots, de phrases…. Qui m‘ont touché…dans ce roman.

 

 

« L’habitude est ce qui nous déshabitue de l’essentiel »

 

«  J’ai toujours pensé qu’en vieillissant fallait exaucer d’antiques désirs pour gommer le plus de regrets possibles avant de mourir, sans oublier d’où on vient en rendant aux plus démunis les bienfaits que l’on a reçus, de par un métier ou une fonction, toutes sa vie. »

 

« Le visage est un lieu infini de l’éthique «  Levinas

 

« La salle enfumée voilait magnifiquement toute chose, les corps, les regards, un brouillard opportun qui autorisait les écarts comme les éclats, une brume des songes où il était permis à chaque rêve d’oser se rêver. »

 

«  Quand on vous voit on vous aime, quand on vous aime où vous voit on ? »

 

«  Je termine vers 1 heure …on peut me voir là où vous aimerez m’attendre. »

 

«  L’humour est la face flamboyante du tragique… »

 

«  Le corps ne sont que de dérisoires accessoires de l’âme ; »

 

« Le pardon est la plus belle des audaces »

 

«  Si j’avais vingt ans aujourd’hui, je vous aimerais tel que vous êtes : vieux « 

 

«  Etrange femme, me dis je. Il y a des personnes sans grâce évidente qui s’embellissent soudainement, soit en marchant, soit en parlant. »

 

«  Je ne vous ai jamais lu, mais je sais que vous étendez sur le monde un voile troublant de beauté. »

 

«  Ces personnes existent ou ont existé sans donner plus que leur talent pour nous offrir l’essentiel : une joie provisoire à vivre encore et s’extasier d’un monde dont maintes beautés nous échappent.. »

 

«  L’intimité, c’est le don, et vous n’avez rien donné… »

 

«  Qu’as-tu oublié de toi ? De ta vie ? » Me demanda-t-elle ; »

 

« Sais-tu que le bonheur s’apprend comme conduire une voiture ou aimer.

Aimer est un travail assidu, pas un dû ni un don. »

 

«  Il te faudra apprendre la patience. Ce que l’on désir le plus ardemment est rarement au rendez vous. Patienter sans te morfondre, sans amertume, sans rage : t’asseoir sur ton petit banc et regarder paisiblement le monde réagir avant d’agir…

Ne t’imagine pas qu’il y a une fois pour toutes qu’il y a les chanceux et les malchanceux. Ce serait une grave erreur de croire à je ne sais quel bon numéro tiré à la naissance.

Les chanceux sont ceux qui écoutent, qui regardent, qui, qui tissent des liens avec des inconnus, qui voyagent et s’étonnent, qui ne se découragent pas et persistent quand tout semble résister. Ceux qui se disent malchanceux ne sont que des orgueilleux car ils ne savent pas qu’il faut apprendre, avec humilité, tout des autres et tout du monde.

Aie courage, c’est une vertu qui elle aussi s’acquiert, de ne jamais douter de toi, de ta singularité,  ne jamais douter de ta valeur… et dans quel but tout cela ? Devenir un homme meilleur ! »

 

«  Aimer la vie plus que le sens de la vie, ne jamais se résoudre à s’éloigner du monde, des gens, des parfums, du son des voix… »

 

«  Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des miracles ! »

 

«  Tant de destins se croisent sans jamais se rencontrer, ils glissent, s’effleurent et continuent leur chemin en gardant quelques secondes en mémoire, comme une trainée fluorescente, l’extase d’instants imaginaires qu’ils auraient eu à vivre s’ils avaient eu l’audace une seconde, de s’arrêter. Oser parler, tout est là. Que de mots avortés de n’avoir pas été prononcés…. »

 

«  C’est cela l’unicité de l’amour, un vertige incontrôlé de deux personnes qui à elles seules sont peu, et à deux sont tout… »

 

 

 


23/11/2015
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Joseph Conrad

La vie de Joseph Conrad est celle d'un orphelin polonais, apprenti moussaillon, matelot, capitaine britannique et créateur d'une œuvre universelle autant que désespérée. Sa vie, c'est vingt ans de jeunesse et d'apprentissage de la mer ; à peine vingt ans de navigation sur les mers du monde, enfin vingt ans d'écriture acharnée et des romans phares : Au cœur des ténèbres, Lord Jim, Typhon, Victoire
Récusant les facilités du romanesque, les métaphores si évidentes quand on est navigateur et lieutenant de bord, Joseph Conrad est l'un des fondateurs de la littérature moderne. Écrivain capital, jamais désabusé, ce grand voyageur est avant tout explorateur de la condition humaine. La romancière américaine Edith Wharton s'exclamait à son propos : " What a man ! ".


par Olivier Page

Commandant un trois-mâts de la marine marchande chargé de traverser l'océan Indien, le futur écrivain Joseph Conrad séjourna deux mois à l'île Maurice. Il en rapporta un petit récit méconnu, mais envoûtant : Un sourire de la fortune, histoire de port.

Lire Conrad

- La plupart de ses romans sont disponibles en Folio Poche, en 10/18, au Livre de Poche ou dans la collection l'Imaginaire de Gallimard : La Folie AlmayerUn Paria des îlesLord JimUne victoireNostromoAu cœur des ténèbresJeunesseFortune

Œuvres complètes. Cinq volumes aux éditions Gallimard, collection La Pléiade.

Un sourire de la fortune, histoire de port, Joseph Conrad. Éditions Autrement (1996).

Joseph Conrad : trois vies. Biographie de Frederick R. Karl (Éditions Fayard-Mazarine)

Sur le web

Avis aux bilingues, beaucoup de sites dédiés à Conrad sont en Anglais. Pour les autres, il faudra se contenter de quelques pages web…

- Le site britannique officiel de la société Joseph Conrad, qui encourage l'étude de son œuvre.

- Il existe également une société Joseph Conrad américaine.

- Le Centre d'Études sur Joseph Conrad, en Pologne, mène des recherches sur la vie et l'œuvre de l'écrivain.

 

 


23/11/2015
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Jack London

Coureur de tempêtes ou chercheur d'or, grand magicien à ses heures qui fit parler les bêtes, pisteur et ami des Indiens, Jack London fut le compagnon, l'indispensable complice, le conteur rêvé de nos années en culotte courte. Plus tard, au cours de nos errances adolescentes, chez un bouquiniste de hasard, on découvre un autre Jack. Celui des écrits humanistes, l'homme de la révolution, ami des humbles, utopiste et pourfendeur d'injustices.

 

Et toujours les voyages ! Car le conteur se fait reporter : la Corée, le Mexique ! Avec tendresse et clairvoyance, il étire nos horizons. Et rassasie nos envies d'évasion, d'équité et d'exotisme.

 

Une fois adulte, c'est avec tendresse qu'on le relit. Affleurent alors çà et là, sous les tumultes de l'action, des confidences chuchotées. On découvre l'homme blessé. Orphelin, alcoolique, vagabond, il s'interroge sans forfanterie… et déroule avec constance l'écheveau de ses réflexions sur la condition humaine. Jack London, l'idéal compagnon littéraire de toute une vie.

 

L'enfance

 

Je n'ai jamais eu d'enfance et il me semble que je suis sans cesse à la recherche de cette enfance perdue ", lâchait crûment Jack London. Il naît le 12 janvier 1876 à San Francisco. Fils de Flora Wellman, femme instable et férue de spiritisme, il ne connaîtra jamais son père biologique (on pense qu'il s'agit de l'astrologue William Chaney). Huit mois après la naissance de Jack, Flora s'est en effet remariée avec un certain John London. Ce n'est qu'à l'âge de vingt et un ans que Jack apprend que cet homme dont il porte pourtant le nom n'est vraisemblablement pas son géniteur. Le choc est plutôt rude !

Flora n'ayant pas la fibre maternelle, Jack est élevé par une nourrice, Jennie Prentiss, une femme noire qu'il aime plus que sa mère. Cependant à la maison, l'affection manque cruellement. Et dès l'âge de dix ans, Jack doit gagner sa vie en trimant dur, en vendant des journaux, devenant un gosse des rues, coriace et batailleur. À treize ans, il travaille dans la conserverie d'Hickmott (jusqu'à dix-huit heures par jour, payé dix cents de l'heure !). Là, il découvre la condition d'esclave des ouvriers et ce triste constat le hantera toute sa vie. Avec l'argent de tante Jennie, il achète un petit bateau, le Razzle Dazzle, et écume alors la baie de San Francisco. Pour gagner sa vie, il devient pilleur d'huîtres ! L'argent est vite gagné et flambé. Il fréquente les marins du port d'Oakland et, à peine âgé de seize ans, se met à boire avec les durs, les voyous. (" Il valait mieux régner parmi les pochards que de passer douze heures à l'usine pour gagner à peine un peu plus d'un dollar "). Lassé par ses razzias d'huîtres, il rallie la Patrouille de Pêche californienne et le voleur se fait gendarme ! Repousser l'horizon, toujours, vivre vite, d'adrénaline, d'aventure, naviguer, travailler en défiant le hasard… le jeune Jack London est insatiable !

" En 1894, à nouveau chômeur, il rejoint l'armée des sans-travail de Jacob Coxey qui s'ébranle en une gigantesque marche de protestation vers Washington. C'est une véritable cour des miracles ! London se mêle aux vagabonds, apprend à mendier, à dépouiller le passant et à voyager clandestinement de train en train, risquant sa vie à chaque étape. Baptisé " Frisco Kid ", il est arrêté à Niagara Falls pour vagabondage et doit purger trente jours au pénitencier d'Erié, trente jours d'enfer. On retrouve, fascinés, tous ces croustillants épisodes de jeunesse dans ses romans et nouvelles. London raconte avec verve et virtuosité son expérience de pilleur d'huîtres et de garde-côte dans Les Pirates de San Francisco (cf. également La croisière du Dazzler). De son inexorable descente aux enfers de l'alcool, il rédigera le sombre et autobiographique Cabaret de la dernière chance. Enfin de ses pittoresques errances ferroviaires, naîtra un immense chef-d'œuvre, Les Vagabonds du rail, classique d'entre les classiques, osé, qui fut l'un des premiers ouvrages à dépeindre une Amérique atypique mais réelle : l'Amérique de toutes les misères. (Et n'oublions pas que ce petit joyau littéraire inspirera bien plus tard un autre chef-d'œuvre à naître : le Sur la route d'un autre vagabond céleste, Jack Kerouac

 

La neige

 

Dès 1897, une rumeur se répand dans toute l'Amérique, balayant tel un vent de folie la baie de San Francisco : il y a de l'or dans le Klondike ! Il n'en faut pas plus pour aiguiser l'inextinguible soif d'aventure du jeune London et solliciter sa fibre bohème. Le 25 juillet de la même année, notre apprenti bourlingueur, ivre d'espoirs, s'embarque pour le Nord ! Au bout du voyage, il découvre un pays de solitudes glacées, sauvage, d'une indicible beauté. Il y passera un an d'efforts, de souffrances, de prospections, à braver dangers, rapides, privations. Il en reviendra malade du scorbut… avec pour toute fortune : 4 dollars 50 cents en poche ! Mais il dira de cette expérience : " C'est dans le Klondike que je me suis réellement découvert. Là-bas, personne ne parle. Tout le monde pense. On y développe une vraie vision des choses. Ce fut mon cas ".

 

Premiers souvenirs de ce pays de neige, Jack London publie en 1900 un superbe recueil de nouvelles intitulé Le Fils du loup. À partir de là, naît sa véritable vocation : il devient un écrivain officiel, reconnu. Il hérite - ravi -, du surnom de " Kipling du Nord ". Ces incursions au Klondike vont encore lui porter bonheur. C'est toujours en évoquant cette nature de beauté, de violence, à laquelle l'homme doit sans cesse se mesurer, qu'il va gagner ses véritables lettres de noblesse. En 1903, un autre récit balayé par les blizzards du Klondike, L'Appel de la forêt, vaudra à London une reconnaissance mondiale immédiate. Dorénavant - et durant toutes ses années de productions littéraires -, Jack London sera l'auteur le plus célèbre et le mieux payé d'Amérique (de 1899 à 1916, il rédigera un millier de mots par jour et vendra chaque mot qu'il écrira. En dix-sept ans, il publiera plus de cinquante livres et signera plus de mille articles publiés séparément !).

 

Ses aventures dans le grand Nord vont lui inspirer d'autres romans et nouvelles : Fille des neiges, Belliou la fumée, Construire un feu, Les Enfants du froid, En pays lointain, Le Mépris des femmes(théâtre), Souvenirs et aventures du pays de l'or, Radieuse Aurore… mais surtout, absolu trait de génie, l'admirable Croc Blanc, à la fois fable philosophique et récit d'initiation, bouleversante histoire d'un demi-loup qui découvre, lardé de désillusions et de plaies, le monde cruel des humains. Sur cette terre de silence et de neige, située en Alaska, entre le Canada et les étendues glacées du cercle arctique, se joue le plus farouche des enjeux : la lutte pour la vie ! Ce thème, récurrent dans toute l'œuvre de London (cf. notamment ce petit chef-d'œuvre qu'est L'Amour de la vie), bat au cœur de ce roman que London définira alors comme " évolutionniste ". Enfin, de ce périple au pays de l'or, il faut citer un fait important : la rencontre de London et des ethnies amérindiennes. Il assiste, impuissant et grave, à l'anéantissement d'un peuple de guerriers et de sages face à la folie insatiable et absurde des Blancs. En naîtront des textes d'une incandescente lucidité, notamment : La Loi de la vie, La Manière des Blancs, La Piste des soleils, L'Imprévu (un sommet !) ou La Ligue des vieux que London définira comme " la meilleure nouvelle que j'aie jamais écrite ".

 

La mer

 

Depuis l'âge de douze ans, j'ai éprouvé l'attirance de la mer ", nous confie Jack London. Après le Klondike, la mer est de toute évidence son autre thème de prédilection, sa seconde grande inspiratrice. Il lui consacrera trois romans majeurs : La Croisière du Dazzler, Le Loup des mers(mythique !), et Les Mutinés de l'Elseneur. Ces récits, comme à l'accoutumée, font sans cesse référence à ses expériences vécues. On se souvient d'un Jack encore enfant (douze ans), sillonnant la baie de San Francisco sur une coque de noix. On garde tous en tête ses exploits de pilleur d'huîtres… ou de garde-côte, traquant à son tour les pirates de la baie ! Mais il faut citer un fait plus important : le 20 janvier 1893, âgé de dix-sept ans, London s'engage comme mousse à bord du Sophie-Sutherland pour aller chasser le phoque dans la mer de Behring et sur les côtes du Japon. Ce seront là sept mois décisifs, sept mois de labeur, d'apprentissage forcené, de cohabitation avec vingt-deux matelots endurcis… mais à l'arrivée, sa véritable rencontre avec la mer ! Ce sera également la source d'inspiration de son premier texte jamais publié : Un Typhon sur les côtes du Japon. C'est dire !

 

Bien des années plus tard, un second souffle maritime - tout aussi épique -, traverse la production littéraire de London. L'écrivain se fait construire un bateau de dix-huit mètres de long, le Snark, qui lui coûtera une petite fortune (30 000 dollars). D'avril 1907 à novembre 1908, en compagnie de son épouse Charmian, il effectue une croisière qui le conduit à Hawaï, puis à Tahiti, aux îles Marquises, aux îles Fidji… et qui s'achève à Sydney (Australie) après bien des péripéties, des avaries, des aventures tragi-comiques. Si l'expérience ne fut guère concluante sur un plan matériel (il en revient quasi-ruiné !), elle a l'avantage de renouveler les thèmes d'inspiration du grand Jack. Désormais, il nous entraîne, grand hunier déployé, sur les chaudes mers du Sud où exotisme rime forcément avec cannibalisme. D'abord il publie le très autobiographique journal de bord : La Croisière du Snark. Puis ce seront : L'Aventureuse, Contes des mers du Sud, Le Fils du soleil, L'Île des lépreux, Histoire des îles… ainsi que deux romans, deux superbes histoires de chiens dont il possède le secret : Michael, chien de cirque et Jerry, chien des îles.

Une fois qu'on est marin, c'est pour la vie. La saveur de l'eau salée est toujours présente ", avouait London. En 1910, il achète un navire de neuf mètres de long, le Roamer. Toujours avec Charmian, il y effectuera bon nombre de croisières (ils explorent le fleuve Sacramento, remontent le delta de Sonoma Creck, passent des mois à naviguer de façon continue). La vie à bord est idyllique. Jack écrit sans cesse, Charmian tape à la machine. On retrouve des épisodes de ses moments de sérénité dans La Vallée de la lune. Jack passera les trois quarts du reste de sa vie sur les îles, y ayant sans doute trouvé un avant-goût lénifiant de paradis.

 

Le socialiste

 

Dans une lettre, adressée en 1909 à William E. Walling, Jack London écrivait : " Je suis un révolutionnaire absolument irréductible. Je serai toujours d'avis que le parti socialiste demeure rigidement irréductible ". Prise de position violente, enthousiaste, tranchée, qui contraste avec la pensée courante de l'Amérique du grand capitalisme d'alors. Sous l'éclairage de certains faits biographiques, on comprend qu'il ne pouvait en être autrement. D'abord, fait troublant, London et le parti socialiste américain (Socialist Labor Party) naissent la même année, en 1876 ! Puis l'enfance le prédispose à la révolte : l'obligation de gagner son pain dès l'âge de dix ans, être prématurément confronté aux cruautés de la rue et aux dures lois de la survie plombent de façon irréversible son regard d'enfant de gravité, de constats lucides, d'objections. Plongé dans les noirceurs du prolétariat, notre jeune apprenti exalté découvre d'instinct la rébellion. Le socialisme, London le rencontre véritablement sur le chemin de Washington, avec l'armée en guenilles des " sans travail ". Ses compagnons d'infortune, chômeurs, mendiants, vagabonds, lui parleront de Karl Marx, de Spencer et du Manifeste Communiste ! Fort de cette initiation buissonnière, London va dévorer tous les livres qui abordent ce sujet et ses convictions vont se muscler de page en page, à l'ombre des rayonnages de la bibliothèque municipale d'Oakland. Le voici dorénavant révolutionnaire ! Il cause quelques beaux scandales au Collège secondaire d'Oakland, notamment en publiant un texte qui s'achève par : "Soulevez-vous, Américains, patriotes et optimistes ! Réveillez-vous ! Reprenez les rênes des mains des gouvernants corrompus et instruisez vos masses ! ".

 

En avril 1896, London adhère au Socialist Labor Party et en restera - jusqu'en mars 1916 -, l'un de ses plus prestigieux ambassadeurs et militants. London exposera son rêve d'une révolution armée dans Le Talon de Fer, œuvre majeure qu'il qualifiera d'hommage à Karl Marx. Ce manifeste visionnaire, ce roman magistral précise sa condamnation sans appel du capitalisme, étendard idéologique que London ne cessera de brandir tout au long de son œuvre (cf. Les Temps maudits ou le très engagé Yours for the revolution). Dans l'une de ses plus ambitieuses réalisations, Martin Eden, sorte d'autobiographie sublimée, London met avec délectation ses propres indignations et révoltes dans la bouche de son héros. Savoureux. On en redemande ! En 1903, London (en tant que reporter) est envoyé pour couvrir la guerre des Boers, il en profite pour faire une halte à Londres. Déguisé en mendiant, il s'immerge parmi les laissés-pour-compte des bas-fonds de la ville et en tire un récit journalistique stigmatisant, d'une analyse saisissante, d'une justesse hallucinée : Le Peuple de l'abîme. En 1904, il accepte l'offre de presse du millionnaire William Randolph Hearst et part à nouveau en tant que reporter couvrir la guerre russo-japonaise… mais trop entreprenant, il se fait quasiment expulser par les Japonais ! Il récidivera en 1914 en allant couvrir cette fois la guerre du Mexique (cf. Le Mexique puni). L'aventure avant tout !

 

Mais sa foi en l'idéal socialiste américain s'érode progressivement avec le temps. Son combat s'achève, après vingt années de loyaux services, par une amère lettre de démission le 16 mars 1916 (l'épisode du Snark sera déterminant : ce bateau lui coûte une véritable fortune et les camarades s'indignent de le voir partir pour une croisière, délaissant momentanément le combat, sur un yacht de milliardaire). Cette même année, en 1916, London est très malade. Il absorbe n'importe quoi : strychnine, aconit, belladone, héroïne, morphine… Le 22 novembre, ne pouvant dormir, il se fait une trop forte injection de morphine et tombe dans un coma profond. Il meurt peu après. On a beaucoup parlé de suicide. Rien n'est moins sûr. Le grand Jack, l'homme de toutes les libertés, emporte avec lui l'ample mystère de sa dernière révérence.

 


23/11/2015
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Kerouac la beat generation

Kerouac, héros de la Beat generation

Jack Kerouac (1922-1969) fait partie de ces écrivains mythiques sur lesquels tout a été dit. D'innombrables biographies et thèses portent sur cet auteur, dont l’œuvre et la vie ont marqué des millions de personnes dans le monde. 

L'histoire retient schématiquement qu'il faisait partie du noyau dur (avec William S. Burroughs et Allen Ginsberg) de la Beat Generation.

Le mot " beat ", qui désigne le rythme du jazz notamment, est à l'origine un mot d'argot new-yorkais voulant dire " lessivé ", " écrasé ". Kerouac se l'approprie et le travaille de façon à en faire ressortir d'autres significations, telles que " béat ", " béatitude ". L'adjonction de cet adjectif au mot " génération " est une référence directe à la Lost Generation, la " génération perdue " de Francis Scott Fitzgerald.

 

Mais qu'était donc la Beat Generation ?

Il s'agissait en fait d'un groupement informel d'amis et de connaissances, tous écrivains ou poètes. On comptait dans ses rangs John Chellon Holmes, Herbert Huncke, Gregory Corso, Alan Watts, Ed Sanders, Gary Snyder, Lawrence Ferlinghetti… Ils furent nombreux et très différents, mais tous souhaitaient s'affranchir du conformisme de l'Amérique des années 50 par la création et un mode de vie qu'aujourd'hui on taxerait aujourd’hui de " politiquement (et sexuellement) incorrect ". 

C'est ainsi qu'est né un pan de la contre-culture occidentale, qui perdure jusqu'à maintenant, et dont héritèrent les hippies, les routards et les soixante-huitards, mais aussi les punks et de nombreux courants artistiques avant-gardistes.

 

Les origines d'un mythe

Qui aurait pu croire que des nobles bretons dénommés Le Bihan de Kerouac sont les aïeux du chantre de la Beat Generation ? 

Jack naît Jean-Louis Kerouac en mars 1922, àLowell, Massachusetts (Nouvelle-Angleterre). Cette petite ville ouvrière compte en son sein une forte population francophone, venue du Canada, marquée par un catholicisme rigoureux. Jack a naturellement pour langue maternelle le français. 

Ses parents sont modestes - un père imprimeur, une mère vendeuse. De plus, Lowell traverse dans les années vingt et trente une grave crise industrielle que sa famille supporte mal. Léo, le père, devient joueur et alcoolique, dilapidant les faibles revenus du foyer. Le décès précoce du grand frère de Jack, Gérard, assène un autre coup difficile à la famille. Jack n'a que quatre ans lorsqu'il meurt, mais cette disparition marquera sa vie entière

Le catholicisme fervent dans lequel Jack grandit tranche bien évidemment avec le protestantisme majoritaire aux États-Unis. Mais ce sont pourtant ses racines canuck (Français originaire du Canada) et sa francophonie qui sont à l'origine d'un perpétuel sentiment d'exclusion. Jack vit mal cet état de fait, bien qu'il puisse néanmoins toujours se réfugier dans sa communauté ou dans sa famille. 

Ce sentiment d'être différent et étranger en son propre pays constitue sans doute la base de son amour pour l'Amérique des exclus, auxquels il s'identifie.

Un choix de vie radical

Bien que profondément attaché à sa ville natale, Jack en constate, enfant, les limites : sa lecture d'un autre Jack - London - lui révèle un monde fait de voyages et d'aventures qui le fascine et, dès le plus jeune âge, son net penchant pour l'écriture. 

Kerouac devient extrêmement sportif à l'adolescence. Le football américain en fait une vedette locale. Bon élève, il bénéficie en outre du système américain de bourses qui permet aux sportifs d'étudier à l'université : c'est la clef de sortie de ce futur écrivain. 

Jack Kerouac choisit l'Université de Columbia, New Yorkoù il devient un étudiant de bon niveau. Les quartiers louches de la Grande Pomme exercent sur lui une attraction indéniable. Il côtoie des musiciens de jazz, écrit sur cette musique alors connue de quelques rares Blancs seulement. 

L'obtention de son diplôme en 1940 le ramène dans sa ville natale : pas pour longtemps, les sirènes de New York sont trop fortes. Jack arrête ses études, puis tente de les reprendre, sans grande motivation. 

Des envies grandissantes de voyage le mènent sur la mer. Il tente également la vie militaire, mais, réfractaire à toute discipline militaire, Jack est déclaré inapte. 

Vers 1942, New York n'est pas seule à avoir raison de la vie calme et rangée à laquelle Kerouac se destinait. Il veut être écrivain, raconter sa propre vie et la rendre mythique en incluant sa vision de l'Amérique. Pour cela, il doit chercher plus profondément, à la base, ceux qui la constituent.

 

Jack Kerouac n'emprunte pas seul les chemins de traverse qui le mènent dans les bas-fonds de New York. Les individus qu'il rencontre en 1943-1945 lui font découvrir des milieux interlopes dont il ne soupçonnait pas l'existence. 

Le plus connu, qui distillera des années plus tard sa subversion dans des ouvrages à la lucidité empoisonnée, est William S. Burroughs. Lettré, homosexuel et ancien étudiant en médecine, il aime à fréquenter les prostitués, les drogués, les criminels et les déviants sexuels. Il ne tardera pas à devenir lui-même héroïnomane, pour le reste de sa longue vie. 

Burroughs et son aura noire attirent bien entendu Jack, mais aussi un jeune poète juif du New Jersey : Allen Ginsberg. Le triumvirat des écrivains Beat naît à New York en ces années de guerre. 

L'amour de Jack pour les rejetés du rêve américain se trouve renforcé au contact de Burroughs. Celui-ci considère aussi les fellaheen (les futurs " anges de la désolation ") comme plus intègres, plus purs, car forcés d'exister dans la marge de la société. 

Dans une ambiance de trafics en tous genres, Jack vit à New York de grandes années de débauche, riches en " dérèglements des sens " chers à Rimbaud. Drogues et sexe ont beau être son occupation quotidienne, cela n'empêche pas Kerouac de s’intéresser aux clochards et aux victimes du racisme. 

Un seul individu suffit à faire entrer de l'air dans leur mode de vie empoisonné : Neal Cassady. Plus jeune que Jack de quatre années, Neal est une tornade. Originaire de Denver, il est orphelin de mère et fils de clochard alcoolique. Avec son énergie inépuisable et son formidable appétit de vivre, il incarnait l'Amérique sauvage à laquelle Kerouac rêve depuis longtemps. Une puissante amitié naît entre les deux hommes

En 1947, ils décident de partir sur les routes de l'Amérique. C'est pour Jack le début d'un voyage sinueux qui va durer dix années, au cours desquelles il va se nourrir de paysages et de rencontres. De cette matière à profusion, il remplira ses romans écrits en prose spontanée dans un long souffle jazz, tapant à la machine sur des rouleaux de téléscripteurs. Il les déroule avec la même avidité qui le fit avaler des kilomètres d'asphalte.

 

                                                                                          Hit the Road Jack !

Le périple avec Neal Cassady

Une des premières étapes de l'odyssée routière de Jack consiste à faire du stop sur la route 6 pour rallier l'Illinois en passant par Chicago. Il découvre pour la première fois ces paysages grandioses dont il avait rêvé au travers des romans ou des films : le Mississipi, les reliefs du Nebraska ou du Colorado

En chemin, il rencontre fermiers, cow-boys, clochards, chauffeurs routiers, propriétaires de ranchs… Ses carnets se noircissent de sensations, de descriptions, d'éléments de conversation. 

Jack part à Denver retrouver Neal. San Francisco, que Kerouac associe à Jack London, est l'extrémité de son premier voyage. Il y devient, grâce à un ami, surveillant de nuit avec matraque, arme et badge. Mais ce n'est que provisoire. 

La quête de Neal le mène à Selma où, amouraché d'une Mexicaine, il ramasse le coton. C'est, dira-t-il plus tard dans Sur la Route, le métier le plus dur qu'il aura exercé. Pourtant, cet épisode constitue un des passages les plus heureux de Sur la Route - et de sa vie. Effectuant un travail harassant, Jack trouve provisoirement la paix parmi les saisonniers.

 

On the road again

Kerouac passe l'année 1948 à écrire son premier roman, The Town and the City. Les années suivantes sont faites de mouvement et de pauses lors desquels Jack fait de l'écriture son unique métier, sans un cent en poche. L'aisance matérielle n'est pas sa préoccupation, et il sait qu'il peut toujours retourner - ce qu'il fait régulièrement - chez sa mère pour écrire et être pris en charge. 

Mais Jack ne se coupe pourtant pas des individus dont il alimente son œuvre. On le voit en 1952 et 1953, chef de train pour la Southern Pacific Railroad. Fin 1955, Jack fait la connaissance de Gary Snyder, autre individu qu'il " iconisera " dans un de ses célèbres romans, Les Clochards célestes (il y est Japhy Ryder). Snyder, passionné par la philosophie orientale alors peu répandue en Occident, l'initie sérieusement au bouddhisme. 

Ensemble, ils réalisent l'ascension du Matterhorn, montagne culminant à 4 000 m dans la Sierra Nevada. Jack en retire le morceau de bravoure des Clochards célestes. En juin 1956, Jack travaille dans le parc national de l’Etat de Washington. Il vit coupé du monde en haut du Desolation Peak, ne voyant personne, ne parlant à personne. Jack racontera cette expérience (et bien d'autres) dans Le Vagabond solitaire

Sur la Route est publié en 1957 et son immense succès lui fait enfiler un costume qu'il n'a jamais souhaité, celui d'idole de la jeunesse… Il devient le porte-parole de la Beat Generation. L'anonymat s'envole et les années soixante s'annoncent. Kerouac voyagera encore ponctuellement, mais il a définitivement derrière lui sa vie sur la route, parmi les clochards et les ouvriers.

 

Trains, automobiles, bus, auto-stop

Avant 1957, l'Amérique n'est pas parcourue à dessein par une foule d'enragés du voyage. Ceux qui voyagent y sont contraints par la vie, comme les hobos (terme américain désignant judicieusement à la fois les vagabonds et les saisonniers). 

Leur moyen de transport favori est le train de marchandises. Ce cliché du vagabond voyageant en douce dans les wagons est à l'époque, pour ces individus, une réalité. Jack pratique donc ce mode de transport risqué, qui favorise rencontres et expériences inédites. 

Jack et Neal parcourent souvent les États-Unis à bord de diverses automobiles. Neal Cassady, le Dean Moriarty de Sur la Route, se targuait d'avoir volé à dix-huit ans plusieurs centaines de voitures, ce qui lui avait valu des séjours précoces en prison. De cette frénésie automobile, il a gardé un mode de conduite particulier : il peut rouler à tombeau ouvert tout en doublant à droite pour le plaisir d'effrayer les automobilistes, dissertant en même temps de philosophie, le tout en tee-shirt en plein hiver dans une voiture non chauffée. Jack réserve à ce sujet de croustillantes lignes dans Sur la Route, restituant à merveille la griserie de la vitesse et le charisme de Neal. 

Ne se voulant pas acteur de la route, Jack est le plus souvent conduit. Lorsque ce n'est pas par Neal, cela peut être en car, dans les fameux Greyhound. Quelques relations en résultent parfois, comme la Mexicaine des champs de coton. 

Mais c'est bien entendu pour l'auto-stop que Jack est le plus renommé, involontairement. À la fin des années quarante et au début des années cinquante, ce moyen de transport est d'autant plus aisé que rares sont les autoroutes.

 

 

Le Mexique et Tanger, on the Beat

1950 : le Mexique

Le voyage le plus long de Jack en voiture est celui qui le conduit à Mexico au cours de l'année 1950, pour retrouver William Burroughs. 

Premier déplacement de Jack dans un pays non anglophone, le Mexique est pour lui le pays des fellaheens. À cette époque, les seuls Américains à passer le Rio Grande sont aisés, bien propres sur eux, et ignorent superbement la population. Jack et ses compères sont à l'opposé. Dépenaillés, sales et mal rasés, ils ne demandent qu'à se mêler aux habitants, vivre à leur rythme

Kerouac ne s'empêche pas, en route, de consommer filles de joie et marijuana. Si l'on se fie aux dires de Burroughs : un individu n'est vraiment intégré dans un endroit que lorsqu'il a établi des connexions sur le plan de la drogue et sur le plan sexuel. Alors Jack s'intègre rapidement au Mexique… 

La vie qu'y mènent Jack et consorts est faite d'étude (théâtre, archéologie, lecture…) et de moments de détente rythmés par la drogue, facile à se procurer. Le premier long séjour de Kerouac dans ce pays s'achève par son retour en stop, de Mexico à New York (!).

Indéniablement, le Mexique joue un rôle symbolique fort dans les préoccupations de Jack. Il est d'ailleurs le théâtre d'un de ses romans les plus tragiques, Tristessa, récit de son amour impossible avec une prostituée héroïnomane.

 

1957 : Tanger

Début 1957, Jack se rend au Maroc dans un tanker yougoslave. Il va retrouver Burroughs, exilé à Tanger. Ce dernier vit paisiblement dans cette zone de non-droit (sa future Interzone du Festin nu) : le Maroc, qui a acquis son indépendance l'année précédente, n'est pas très regardant sur l'héroïne, le haschich ou les prostitués. Ce qui fait le bonheur de Burroughs. 

Jack est vite rejoint par Allen Ginsberg, désormais célèbre, son compagnon Peter Orlovsky, et un membre tardif de la clique new-yorkaise - mais non moins important -, le poète Gregory Corso. L'écrivain Paul Bowles, qui habite le Maroc pour des raisons proches de celles de Burroughs (drogues et beaux jeunes gens), gravite également autour de la bande. 

Jack ne passe que deux mois à Tanger, avant de partir pour la France, mais ces deux mois seront décisifs pour l'histoire de la littérature du XXe siècle. En effet, Kerouac aide Burroughs à trier, classer, puis à dactylographier des notes diverses amassées depuis ses années de déchéance toxicomane ; de ce travail de fourmi naîtrale Festin nu, roman halluciné de Burroughs, à l'influence égale voire supérieure à Sur la Route.

 

 

Itinéraire de Sur la route

 

Dans Sur la Route, le héros, Sal, et son compère Dean Moriarty se lancent dans un périple qui les conduit de la côte est à la côte ouest, puis au Mexique. L’important n’étant pas, évidemment, le but du voyage, mais la route elle-même, avec son lot d’aventures et de rencontres. 

Routard.com a retracé pour vous l’itinéraire de Sur la Route à partir des lieux mentionnés dans le roman. Un périple de 6 200 km à travers les États-Unis (8 700 km jusqu’à Mexico), à suivre une carte routière à la main :

 


23/11/2015
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