on the road again

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Kerouac la beat generation

Kerouac, héros de la Beat generation

Jack Kerouac (1922-1969) fait partie de ces écrivains mythiques sur lesquels tout a été dit. D'innombrables biographies et thèses portent sur cet auteur, dont l’œuvre et la vie ont marqué des millions de personnes dans le monde. 

L'histoire retient schématiquement qu'il faisait partie du noyau dur (avec William S. Burroughs et Allen Ginsberg) de la Beat Generation.

Le mot " beat ", qui désigne le rythme du jazz notamment, est à l'origine un mot d'argot new-yorkais voulant dire " lessivé ", " écrasé ". Kerouac se l'approprie et le travaille de façon à en faire ressortir d'autres significations, telles que " béat ", " béatitude ". L'adjonction de cet adjectif au mot " génération " est une référence directe à la Lost Generation, la " génération perdue " de Francis Scott Fitzgerald.

 

Mais qu'était donc la Beat Generation ?

Il s'agissait en fait d'un groupement informel d'amis et de connaissances, tous écrivains ou poètes. On comptait dans ses rangs John Chellon Holmes, Herbert Huncke, Gregory Corso, Alan Watts, Ed Sanders, Gary Snyder, Lawrence Ferlinghetti… Ils furent nombreux et très différents, mais tous souhaitaient s'affranchir du conformisme de l'Amérique des années 50 par la création et un mode de vie qu'aujourd'hui on taxerait aujourd’hui de " politiquement (et sexuellement) incorrect ". 

C'est ainsi qu'est né un pan de la contre-culture occidentale, qui perdure jusqu'à maintenant, et dont héritèrent les hippies, les routards et les soixante-huitards, mais aussi les punks et de nombreux courants artistiques avant-gardistes.

 

Les origines d'un mythe

Qui aurait pu croire que des nobles bretons dénommés Le Bihan de Kerouac sont les aïeux du chantre de la Beat Generation ? 

Jack naît Jean-Louis Kerouac en mars 1922, àLowell, Massachusetts (Nouvelle-Angleterre). Cette petite ville ouvrière compte en son sein une forte population francophone, venue du Canada, marquée par un catholicisme rigoureux. Jack a naturellement pour langue maternelle le français. 

Ses parents sont modestes - un père imprimeur, une mère vendeuse. De plus, Lowell traverse dans les années vingt et trente une grave crise industrielle que sa famille supporte mal. Léo, le père, devient joueur et alcoolique, dilapidant les faibles revenus du foyer. Le décès précoce du grand frère de Jack, Gérard, assène un autre coup difficile à la famille. Jack n'a que quatre ans lorsqu'il meurt, mais cette disparition marquera sa vie entière

Le catholicisme fervent dans lequel Jack grandit tranche bien évidemment avec le protestantisme majoritaire aux États-Unis. Mais ce sont pourtant ses racines canuck (Français originaire du Canada) et sa francophonie qui sont à l'origine d'un perpétuel sentiment d'exclusion. Jack vit mal cet état de fait, bien qu'il puisse néanmoins toujours se réfugier dans sa communauté ou dans sa famille. 

Ce sentiment d'être différent et étranger en son propre pays constitue sans doute la base de son amour pour l'Amérique des exclus, auxquels il s'identifie.

Un choix de vie radical

Bien que profondément attaché à sa ville natale, Jack en constate, enfant, les limites : sa lecture d'un autre Jack - London - lui révèle un monde fait de voyages et d'aventures qui le fascine et, dès le plus jeune âge, son net penchant pour l'écriture. 

Kerouac devient extrêmement sportif à l'adolescence. Le football américain en fait une vedette locale. Bon élève, il bénéficie en outre du système américain de bourses qui permet aux sportifs d'étudier à l'université : c'est la clef de sortie de ce futur écrivain. 

Jack Kerouac choisit l'Université de Columbia, New Yorkoù il devient un étudiant de bon niveau. Les quartiers louches de la Grande Pomme exercent sur lui une attraction indéniable. Il côtoie des musiciens de jazz, écrit sur cette musique alors connue de quelques rares Blancs seulement. 

L'obtention de son diplôme en 1940 le ramène dans sa ville natale : pas pour longtemps, les sirènes de New York sont trop fortes. Jack arrête ses études, puis tente de les reprendre, sans grande motivation. 

Des envies grandissantes de voyage le mènent sur la mer. Il tente également la vie militaire, mais, réfractaire à toute discipline militaire, Jack est déclaré inapte. 

Vers 1942, New York n'est pas seule à avoir raison de la vie calme et rangée à laquelle Kerouac se destinait. Il veut être écrivain, raconter sa propre vie et la rendre mythique en incluant sa vision de l'Amérique. Pour cela, il doit chercher plus profondément, à la base, ceux qui la constituent.

 

Jack Kerouac n'emprunte pas seul les chemins de traverse qui le mènent dans les bas-fonds de New York. Les individus qu'il rencontre en 1943-1945 lui font découvrir des milieux interlopes dont il ne soupçonnait pas l'existence. 

Le plus connu, qui distillera des années plus tard sa subversion dans des ouvrages à la lucidité empoisonnée, est William S. Burroughs. Lettré, homosexuel et ancien étudiant en médecine, il aime à fréquenter les prostitués, les drogués, les criminels et les déviants sexuels. Il ne tardera pas à devenir lui-même héroïnomane, pour le reste de sa longue vie. 

Burroughs et son aura noire attirent bien entendu Jack, mais aussi un jeune poète juif du New Jersey : Allen Ginsberg. Le triumvirat des écrivains Beat naît à New York en ces années de guerre. 

L'amour de Jack pour les rejetés du rêve américain se trouve renforcé au contact de Burroughs. Celui-ci considère aussi les fellaheen (les futurs " anges de la désolation ") comme plus intègres, plus purs, car forcés d'exister dans la marge de la société. 

Dans une ambiance de trafics en tous genres, Jack vit à New York de grandes années de débauche, riches en " dérèglements des sens " chers à Rimbaud. Drogues et sexe ont beau être son occupation quotidienne, cela n'empêche pas Kerouac de s’intéresser aux clochards et aux victimes du racisme. 

Un seul individu suffit à faire entrer de l'air dans leur mode de vie empoisonné : Neal Cassady. Plus jeune que Jack de quatre années, Neal est une tornade. Originaire de Denver, il est orphelin de mère et fils de clochard alcoolique. Avec son énergie inépuisable et son formidable appétit de vivre, il incarnait l'Amérique sauvage à laquelle Kerouac rêve depuis longtemps. Une puissante amitié naît entre les deux hommes

En 1947, ils décident de partir sur les routes de l'Amérique. C'est pour Jack le début d'un voyage sinueux qui va durer dix années, au cours desquelles il va se nourrir de paysages et de rencontres. De cette matière à profusion, il remplira ses romans écrits en prose spontanée dans un long souffle jazz, tapant à la machine sur des rouleaux de téléscripteurs. Il les déroule avec la même avidité qui le fit avaler des kilomètres d'asphalte.

 

                                                                                          Hit the Road Jack !

Le périple avec Neal Cassady

Une des premières étapes de l'odyssée routière de Jack consiste à faire du stop sur la route 6 pour rallier l'Illinois en passant par Chicago. Il découvre pour la première fois ces paysages grandioses dont il avait rêvé au travers des romans ou des films : le Mississipi, les reliefs du Nebraska ou du Colorado

En chemin, il rencontre fermiers, cow-boys, clochards, chauffeurs routiers, propriétaires de ranchs… Ses carnets se noircissent de sensations, de descriptions, d'éléments de conversation. 

Jack part à Denver retrouver Neal. San Francisco, que Kerouac associe à Jack London, est l'extrémité de son premier voyage. Il y devient, grâce à un ami, surveillant de nuit avec matraque, arme et badge. Mais ce n'est que provisoire. 

La quête de Neal le mène à Selma où, amouraché d'une Mexicaine, il ramasse le coton. C'est, dira-t-il plus tard dans Sur la Route, le métier le plus dur qu'il aura exercé. Pourtant, cet épisode constitue un des passages les plus heureux de Sur la Route - et de sa vie. Effectuant un travail harassant, Jack trouve provisoirement la paix parmi les saisonniers.

 

On the road again

Kerouac passe l'année 1948 à écrire son premier roman, The Town and the City. Les années suivantes sont faites de mouvement et de pauses lors desquels Jack fait de l'écriture son unique métier, sans un cent en poche. L'aisance matérielle n'est pas sa préoccupation, et il sait qu'il peut toujours retourner - ce qu'il fait régulièrement - chez sa mère pour écrire et être pris en charge. 

Mais Jack ne se coupe pourtant pas des individus dont il alimente son œuvre. On le voit en 1952 et 1953, chef de train pour la Southern Pacific Railroad. Fin 1955, Jack fait la connaissance de Gary Snyder, autre individu qu'il " iconisera " dans un de ses célèbres romans, Les Clochards célestes (il y est Japhy Ryder). Snyder, passionné par la philosophie orientale alors peu répandue en Occident, l'initie sérieusement au bouddhisme. 

Ensemble, ils réalisent l'ascension du Matterhorn, montagne culminant à 4 000 m dans la Sierra Nevada. Jack en retire le morceau de bravoure des Clochards célestes. En juin 1956, Jack travaille dans le parc national de l’Etat de Washington. Il vit coupé du monde en haut du Desolation Peak, ne voyant personne, ne parlant à personne. Jack racontera cette expérience (et bien d'autres) dans Le Vagabond solitaire

Sur la Route est publié en 1957 et son immense succès lui fait enfiler un costume qu'il n'a jamais souhaité, celui d'idole de la jeunesse… Il devient le porte-parole de la Beat Generation. L'anonymat s'envole et les années soixante s'annoncent. Kerouac voyagera encore ponctuellement, mais il a définitivement derrière lui sa vie sur la route, parmi les clochards et les ouvriers.

 

Trains, automobiles, bus, auto-stop

Avant 1957, l'Amérique n'est pas parcourue à dessein par une foule d'enragés du voyage. Ceux qui voyagent y sont contraints par la vie, comme les hobos (terme américain désignant judicieusement à la fois les vagabonds et les saisonniers). 

Leur moyen de transport favori est le train de marchandises. Ce cliché du vagabond voyageant en douce dans les wagons est à l'époque, pour ces individus, une réalité. Jack pratique donc ce mode de transport risqué, qui favorise rencontres et expériences inédites. 

Jack et Neal parcourent souvent les États-Unis à bord de diverses automobiles. Neal Cassady, le Dean Moriarty de Sur la Route, se targuait d'avoir volé à dix-huit ans plusieurs centaines de voitures, ce qui lui avait valu des séjours précoces en prison. De cette frénésie automobile, il a gardé un mode de conduite particulier : il peut rouler à tombeau ouvert tout en doublant à droite pour le plaisir d'effrayer les automobilistes, dissertant en même temps de philosophie, le tout en tee-shirt en plein hiver dans une voiture non chauffée. Jack réserve à ce sujet de croustillantes lignes dans Sur la Route, restituant à merveille la griserie de la vitesse et le charisme de Neal. 

Ne se voulant pas acteur de la route, Jack est le plus souvent conduit. Lorsque ce n'est pas par Neal, cela peut être en car, dans les fameux Greyhound. Quelques relations en résultent parfois, comme la Mexicaine des champs de coton. 

Mais c'est bien entendu pour l'auto-stop que Jack est le plus renommé, involontairement. À la fin des années quarante et au début des années cinquante, ce moyen de transport est d'autant plus aisé que rares sont les autoroutes.

 

 

Le Mexique et Tanger, on the Beat

1950 : le Mexique

Le voyage le plus long de Jack en voiture est celui qui le conduit à Mexico au cours de l'année 1950, pour retrouver William Burroughs. 

Premier déplacement de Jack dans un pays non anglophone, le Mexique est pour lui le pays des fellaheens. À cette époque, les seuls Américains à passer le Rio Grande sont aisés, bien propres sur eux, et ignorent superbement la population. Jack et ses compères sont à l'opposé. Dépenaillés, sales et mal rasés, ils ne demandent qu'à se mêler aux habitants, vivre à leur rythme

Kerouac ne s'empêche pas, en route, de consommer filles de joie et marijuana. Si l'on se fie aux dires de Burroughs : un individu n'est vraiment intégré dans un endroit que lorsqu'il a établi des connexions sur le plan de la drogue et sur le plan sexuel. Alors Jack s'intègre rapidement au Mexique… 

La vie qu'y mènent Jack et consorts est faite d'étude (théâtre, archéologie, lecture…) et de moments de détente rythmés par la drogue, facile à se procurer. Le premier long séjour de Kerouac dans ce pays s'achève par son retour en stop, de Mexico à New York (!).

Indéniablement, le Mexique joue un rôle symbolique fort dans les préoccupations de Jack. Il est d'ailleurs le théâtre d'un de ses romans les plus tragiques, Tristessa, récit de son amour impossible avec une prostituée héroïnomane.

 

1957 : Tanger

Début 1957, Jack se rend au Maroc dans un tanker yougoslave. Il va retrouver Burroughs, exilé à Tanger. Ce dernier vit paisiblement dans cette zone de non-droit (sa future Interzone du Festin nu) : le Maroc, qui a acquis son indépendance l'année précédente, n'est pas très regardant sur l'héroïne, le haschich ou les prostitués. Ce qui fait le bonheur de Burroughs. 

Jack est vite rejoint par Allen Ginsberg, désormais célèbre, son compagnon Peter Orlovsky, et un membre tardif de la clique new-yorkaise - mais non moins important -, le poète Gregory Corso. L'écrivain Paul Bowles, qui habite le Maroc pour des raisons proches de celles de Burroughs (drogues et beaux jeunes gens), gravite également autour de la bande. 

Jack ne passe que deux mois à Tanger, avant de partir pour la France, mais ces deux mois seront décisifs pour l'histoire de la littérature du XXe siècle. En effet, Kerouac aide Burroughs à trier, classer, puis à dactylographier des notes diverses amassées depuis ses années de déchéance toxicomane ; de ce travail de fourmi naîtrale Festin nu, roman halluciné de Burroughs, à l'influence égale voire supérieure à Sur la Route.

 

 

Itinéraire de Sur la route

 

Dans Sur la Route, le héros, Sal, et son compère Dean Moriarty se lancent dans un périple qui les conduit de la côte est à la côte ouest, puis au Mexique. L’important n’étant pas, évidemment, le but du voyage, mais la route elle-même, avec son lot d’aventures et de rencontres. 

Routard.com a retracé pour vous l’itinéraire de Sur la Route à partir des lieux mentionnés dans le roman. Un périple de 6 200 km à travers les États-Unis (8 700 km jusqu’à Mexico), à suivre une carte routière à la main :

 



23/11/2015
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